Publié le 24 juillet 2025
Jeunes en formation et professionnels installés partagent-ils la même vision des défis de la supply chain ? L’ESLI a mené l’enquête. Les résultats ont été présentés à l’occasion de TOP Logistics le 25 juin dernier à Saint-Malo, avec les réactions de 4 jeunes et de 4 professionne·le·s d’âges variés. Retour sur cette étude et sur l’analyse qui en a été faite.
1 étude, 2 thématiques, + de 150 réponses
Une collaboration réussie
L’idée de départ est née d’une collaboration. Celle entre l’Ecole Supérieure de Logistique Industrielle de Redon (GIP Campus Esprit Industries), Bretagne Supply Chain (BSC) et l’organisation de TOP Logistics.
Pour Ingrid Marsollier, responsable des relations entreprises à l’ESLI et administratrice de BSC, « c’est en croisant nos regards et en collaborant que l’on crée le plus de valeur, pour nos étudiants et pour les entreprises ».
Pour Mohamed HAOUARI, professeur associé responsable de programmes à l’ESLI, « il s’agissait de questionner la vision de la supply chain. Est-ce que nos jeunes actuellement en formation et nos anciens élèves partagent les mêmes avis quant aux challenges à relever ? ».
Elodie LE PROVOST, co-déléguée générale de Bretagne Supply Chain complète : « En effet, les équipes supply chain doivent désormais avancer avec de très nombreuses incertitudes. Nous avons donc dû choisir de limiter l’étude à 2 défis : l’intelligence artificielle et la transition écologique ».
Enfin, Jérôme LETU-MONTOIS, organisateur du salon conclut : « TOP Logistics était un espace idéal pour échanger de cela. Des décideurs, des prestataires, une animatrice enthousiaste Nathalie Bureau Du Colombier… Tous les ingrédients étaient réunis pour que ça fonctionne : et on n’a pas été déçus ! »
Une étude sérieuse
L’étude a été pilotée par un groupe de 4 étudiants de l’ESLI (Edgar DOLEANS, Dylan LAVANDIER, Dorian LEPAGNOT, Thibaut LEVEILLE). Elle a été lancée en 2 parties :
- un questionnaire pour les élèves encore en formation en supply chain et logistique. 67 réponses, issues d’étudiant.e.s en BTS / BUT, Master ou Licence/Bachelor en transport, logistique et industrie
- un autre pour les anciens élèves et relayé dans le réseau Bretagne Supply Chain. Les 85 répondant.e.s étaient issus de différents secteurs : 58% de l’industrie et 28% du transport – logistique
152 réponses ont été collectées entre le 15 mai et le 15 juin. Les résultats ont ensuite été analysés par le groupe d’étudiants encadré par Mohamed HAOUARI.
A l’occasion de la conférence, 4 professionnels sont venus compléter cette analyse :
- Anne-Claire CRINON, diplômée de l’ESLI en 2023. Elle est actuellement en charge de la gestion des stocks et des approvisionnements Rafale et Mirage 2000 chez Dassault Aviation
- Frédéric POTIER, ancien de l’ESLI (promo 1999), aujourd’hui responsable supply chain chez MoldTecs
- Franck DANIEL, diplômé de l’ESLI en 2019 et directeur de la filiale stockage du groupe Rouxel et adhérent à BSC
- Virginie MILBEAU, enseignante à l’ESLI pendant 5 ans. Elle est aujourd’hui consultante en Supply Chain chez One Point et membre du Conseil d’Administration de BSC
Transition écologique : des priorités partagées, mais à des degrés différents
Des priorités partagées
Premier enseignement ? Jeunes et professionnel.le.s mettent en avant les 2 mêmes leviers prioritaires pour assurer la transition écologique d’une supply chain :
- Décarboner le transport de marchandises
- Former les équipes
Les étudiants priorisent ensuite les emballages réutilisables et le pilotage de la chaîne logistique. A contrario, les professionnel.le.s priorisent la sensibilisation des clients finaux et l’efficacité énergétique. Jeunes et professionnels s’accordent sur l’explication de l’écart : les réponses des étudiants sont certainement davantage théoriques.
La règlementation sur la transition écologique divise plus les jeunes et les professionnels. Mais autour de la table les avis étaient finalement convergents : la règlementation environnementale est « un mal nécessaire ». Elle doit s’appliquer sur tous les acteurs des chaînes logistiques, qui doivent se répartir les éventuels surcoûts. Plus largement, les professionnels ont insisté sur le levier financier que peut représenter aujourd’hui la décarbonation du transport. Transporter mieux et moins, c’est évidemment aussi limiter les coûts de transport dans de nombreux cas.
Des leviers connus et parfois déjà mobilisés
Les professionnel.le.s témoignent d’actions déjà réalisées, comme par exemple :
- Sur les emballages : suppression des packagings carton remplacés par des bacs plastiques (Frédéric Potier)
- Sur la construction : développement de plateformes logistiques plus vertueuses, même en surgelé, avec le photovoltaïque (Franck Daniel)
- Sur la transition énergétique des véhicules : camions au B100 et à l’électrique chez Rouxel, carburants durables à base d’huile dans l’aviation chez Dassault.
A ces leviers, les professionnels ajoutent l’évolution des appels d’offres, incluant de plus en plus de critères RSE. Virginie Milbeau souligne que la décarbonation permet de maîtriser les coûts et de réorganiser les chaînes logistiques et de production. Mais elle rappelle également qu’il reste de grands paradoxes : « on demande beaucoup aux transporteurs mais à côté, on a des aberrations écologiques comme certaines pratiques du e-commerce ».
Intelligence artificielle : des pratiques différentes qui rejoignent pourtant une vision commune
L’IA est source d’opportunités pour la supply chain
Tout le monde semble d’accord parmi les répondants. L’intelligence artificielle est une opportunité pour les supply chains, mais pas tellement pour les bénéfices environnementaux.
L’IA offre des gains significatifs surtout pour les opérations de prévision, planification, approvisionnement et production. Néanmoins,la vision des jeunes étudiants et des professionnels diffère sur les applicatifs. La priorité pour les étudiant.e.s est clairement portée sur les opérations de planification et d’approvisionnements. C’est nettement moins significatif chez les professionnels actuellement en poste.
Frédéric Potier constate que l’IA est une vraie source d’efficience pour la gestion supply chain. Il compare cela à l’arrivée d’Internet puis à celle des ERP.
Franck Daniel souligne en effet l’intérêt de l’IA. Elle permet notamment de « transmettre la bonne information au bon moment : c’est devenu essentiel, au moins autant que de transmettre le bon produit ».
Anne-Claire Crinon explique que l’IA est déjà intégrée aux processus des entreprises. Chez Dassault aviation par exemple, l’IA accompagne plusieurs processus. Celui de la conception des structures d’avions par exemple pour qu’elles soient plus légères et moins consommatrices. C’est également le cas de processus en supply chain, comme en planification et en approvisionnements.
La question majeure est celle de la qualité des données
Virginie Milbeau accompagne de nombreux projets en supply chain, parfois avec implémentation de l’IA. Et elle insiste sur les données : « le problème, ce n’est pas l’accès aux technologies et aux outils, c’est bien davantage celui des données et de leur qualité. Demain, nous devrons faire de la supply chain sur les données, comme nous en faisons sur les produits aujourd’hui. Il faudra par exemple gérer les stocks de données… et les optimiser ! »
Transition écologique ou IA… un enjeu de compétences !
Cette étude met en lumière quelques différences de points de vue entre générations quant aux défis à relever en supply chain. Mais elle montre aussi que l’écart entre les générations n’est pas toujours plus grand que celui au sein d’une même génération. Plus que par leur âge, les répondants sont certainement influencés davantage par leur culture d’entreprise ou leur maîtrise du sujet (ce qui est possible, faisable, pertinent). Peut être donc que pour relever ces défis, les supply chains auront encore plus besoin de compétences et de connaissances sur la transition écologique et sur l’IA. Et si l’écart intergénérationnel n’est pas si important, cela laisse un avenir radieux au management d’équipe multigénérationelles en supply chain. Et compte tenu de la richesse que cela génère, c’est une excellente nouvelle !
Cette première étude de l’ESLI marque le point de départ d’une collaboration plus pérenne : d’autres enquêtes viendront approfondir ces thématiques et explorer de nouveaux défis de la supply chain.