Publié le 13 juillet 2025
La détente des modèles logistiques est une solution souvent proposée pour améliorer la durabilité des entreprises. Certaines entreprises ont déjà franchi le cap. Découvrez dans cet article le témoignage de Lahaye Global Logistics
Pour sa journée évènement 2025, Bretagne Supply Chain et ses adhérent·e·s ont traité du sujet « Ralentir » : ralentir les modèles logistiques au bénéfice de la performance économique, de l’environnement et des conditions de travail.
Au travers de plusieurs articles, nous vous proposons de découvrir ce qui a été échangé pendant cette journée innovante.
Ci-dessous le témoignage de Matthieu Lahaye, directeur général chez Lahaye Global Logistics pour expliquer la détente de leurs flux logistiques par le recours au transport ferroviaire. L’entreprise organise le transport depuis 1953, gère les stocks, pilote les flux et valorise des palettes de ses clients sur tout le territoire.
Un témoignage animé par Caroline Bader, chargée de missions chez Bretagne Supply Chain.
Avant VS après la détente des flux : ce n’est qu’une question de quelques heures
Caroline Bader (BSC) : Une façon d’aborder la détente des flux est d’aborder les délais de livraison. Chez Lahaye Global Logistics, vous êtes le seul opérateur de fret ferroviaire en Bretagne. Pour vous Matthieu, promouvoir le ferroviaire, c’est promouvoir finalement un transport plus lent et plus vertueux. Mais dans vos exemples de flux, est-ce vraiment plus lent ?
Matthieu Lahaye (ML) : Le transport combiné rail-route n’est pas vraiment plus long. Le train permet de massifier les marchandises de plusieurs camions, avec un horaire fixe de départ, là où il y a une plus grande flexibilité avec les camions. C’est donc un délai de traitement plus long de quelques heures, mais sa performance permet que cela fonctionne.
Cela nécessite tout de même de détendre un peu les délais par rapport à la route. Chez Lahaye, nous avons nécessairement dû travailler conjointement avec des clients, pour expliquer comment fonctionne ce mode de transport alternatif mais aussi comment il est possible de détendre les délais.
Un des premiers flux qui m’est venu est celui de IKEA : il y avait une volonté d’utiliser du report modal ferroviaire, mais la logistique et le service des magasins devaient décaler de quelques heures les horaires de livraison de marchandises. Ikea travaille sur un schéma de livraison tendu, avec 24h de délais.
Ils ont réussi à détendre les horaires pour passer sur le train, car il y avait une vrai conviction de leur part d’utiliser le transport ferroviaire.
Et pour le deuxième exemple de flux, le territoire breton fait qu’il y a beaucoup de flux agroalimentaires frais au départ de la Bretagne. Chez Lahaye, cela représente 50% de nos flux ferroviaires au départ de la Bretagne, malgré les contraintes de ces produits.
Nous avons travaillé avec des agriculteurs du Pays de Léon pour livrer de la salade fraîche par le rail à destination des usines de mise en sachet. Pour organiser ce flux, nous avons réalisé des discussions tripartites pour décaler de quelques heures un camion ou deux.
La salade est cueillie le matin, chargée en fin de matinée dans le camion et elle prend le train en fin d’après-midi. Le changement est qu’elle est livrée le lendemain en milieu de matinée à l’industriel, au lieu de tôt le matin par camion.
Face aux freins à la détente des flux : des modèles qui fonctionnent
BSC : Avant de se lancer dans la détente des flux, de nombreux freins existent. Parmi eux :
- L’investissement que cela représente : en infrastructure, en technologie, en réorganisation interne, en matériel également
- Le matériel de transport : si les délais sont allongés, il peut être immobilisé et non utilisé sur un parc, ce qui représente des coûts
- L’acceptation des interlocuteurs au changement
Mais pourtant, votre modèle fonctionne ! Comment se passe vos échanges justement avec les clients ?
ML : Dans la mesure du possible, nous proposons une offre toute route et une offre rail-route dans nos appels d’offres. Même si ce n’est pas demandé par le client, nous faisons cette proposition pour ouvrir le dialogue et le débat sur les modes de transports alternatifs.
Cela permet notamment de discuter des différents freins qui pourraient exister, de dédiaboliser le sujet et se dire « Ce n’est pas si compliqué ». Nous pouvons également partager les expériences avec d’autres clients.
Ce travail en amont pour lever les freins est le plus dur. Il y a un besoin de pédagogie : expliquer que nous avons le même taux de qualité par exemple.
En effet, il y a moins de flexibilité qu’un camion en cas de problème, mais nous sommes aussi un transporteur routier et cela rassure que nous soyons capable d’avoir une solution « back up » (par la route) en cas de problème sur le train.
Enfin, notre interlocuteur est le chargeur (l’industriel), par le destinataire final. Ils n’ont probablement pas les mêmes contraintes. Cela complexifie les échanges car il faut avoir tout le monde autour de la table.
Les discussions que nous sommes capables d’avoir sont « Qui est prêt à faire quoi pour passer par le rail ? ». Cela prend du temps, mais une fois en place nous avons rarement vu un retour en arrière.
Une fois que le modèle logistique s’est adapté au transport combiné rail-route, ça dure dans le temps.
« Le plus important est de savoir se remettre en question pour voir qu’il est possible de détendre la majorité des flux. Bien sûr, tout n’est pas simple mais à partir du moment où l’on a la volonté de faire différemment, il existe des solutions. »
Matthieu Lahaye, directeur général de Lahaye Global Logistics
Un changement d’activité pour embarquer les équipes
BSC : Une offre de transport par le rail reste différente d’une offre par la route, et c’est ce changement d’activité qui a embarqué les équipes. Pouvez-vous nous en dire plus ?
ML : L’exploitation en transport combiné rail route est plus compliqué que la route : sur un train, il y a l’équivalent de 45 camions minimum, alors quand un problème survient sur le train, la gestion est multipliée par 45. Cela peut vite faire des nœuds au cerveau !
Nous avons donc créé une filiale dédiée au transport combiné rail-route. Il a fallu former et spécialiser des exploitant·e·s et c’est, je pense, la raison pour laquelle nous sommes toujours présents sur ce marché.
De plus, nous voyons avec les jeunes générations (mais pas que!) que, malgré le caractère parfois plus complexe ou plus stressant, il y a une forte volonté de mieux faire notre métier, mieux transporter, et de faire différemment.
Aujourd’hui nous recevons des candidatures spontanées qui expliquent qu’ils veulent venir chez Lahaye parce que nous faisons du combiné rail-route. Il y a une forte volonté de participer.
De plus, pour les conducteur·ice·s, la grande difficulté concerne les horaires. Sur le train, il y a une heure d’arrivée au terminal et une heure de départ du train, la journée ne peut plus vraiment déborder. Nous arrivons donc à garantir des horaires plus fixes que pour les conducteur·ice·s sur la route, et ça intéresse.
Enfin, il y a moins de travail de nuit puisque ce sont les trains qui circulent la nuit. Pour la sécurité routière et la qualité de vie au travail, c’est un vrai avantage.
D’autres articles sont prévus pour répondre à toutes les questions sur le ralentissement des flux
Après une définition complète d’un modèle logistique détendu, il est important de présenter des entreprises qui ont déjà passé le pas de la détente de leur modèle logistique. Découvrez dans d’autres articles les retours d’expérience de Legendre Celtic et du Groupe Hénaff.
Ralentir vos flux est un sujet qui vous intéresse ? N’hésitez pas à contactez Iwen Layec pour en échanger.