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Fret aérien breton : consolidation, collaboration et décarbonation

Publié le 15 avril 2024

La Région Bretagne a voté le premier volet de sa stratégie aéroportuaire qui doit permettre de coordonner le développement de l’offre aérienne et accompagner la nécessaire transition du mode. S’il n’occupe pas le devant de la scène, la stratégie embarque des mesures à destination du fret. Tour d’horizon… 

En préambule, la stratégie rappelle que « la desserte aérienne revêt un enjeu stratégique de désenclavement de la Bretagne, d’abord dans les relations entre la pointe finistérienne et Paris, puis à l’échelle nationale avec les métropoles françaises les plus éloignées, et enfin et surtout dans les relations à l’international ».

Vers une stratégie aéroportuaire régionale

Les modèles économiques des aéroports bretons, l’impact écologique et territorial de leurs activités sont actuellement fortement remis en cause (abandon du projet de Notre-Dame des Landes, réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique, interdiction des vols intérieurs sur les trajets disposant d’une alternative ferroviaire réalisable en moins de 2h30, « Green deal » de l’Union Européenne, crise Covid…).

Dans ce contexte, la Région Bretagne a engagé l’élaboration de sa stratégie aéroportuaire régionale, avec l’objectif d’une adoption définitive en 2024, pour une mise en œuvre qui doit s’échelonner jusqu’en 2040.

Au travers du premier volet voté en début d’année, la Région définit les objectifs stratégiques et les vocations de ses propres aéroports. Courant 2024, seront intégrées les vocations des autres aéroports et défini le cadre de coopération collectif à l’échelle régionale et interrégionale.

Un maillage dense en mutation

Le paysage aéroportuaire français s’est construit sur un objectif de désenclavement des régions et d’aménagement du territoire, le transport aérien apparaissant comme un levier de développement économique et de rééquilibrage des inégalités. La Bretagne est particulièrement représentative de cette situation, car sa configuration péninsulaire a longtemps rendu le développement économique dépendant du transport aérien, faute d’offre routière ou ferroviaire performante.

Construites entre les années 1930-1940 (à l’exception de celle de Ouessant, créée en 1950), les plateformes aéroportuaires bretonnes se sont développées pour accueillir des vols réguliers et commerciaux dans les années 1960-1970. Leur répartition s’est inscrite dans une même logique d’aménagement, en s’adossant à l’armature urbaine polycentrique de la région. La connectivité aérienne de villes comme Quimper, Lannion, Lorient, Vannes ou Saint-Brieuc a ainsi participé à une logique de renforcement des pôles d’attractivité locaux.

La Bretagne dispose actuellement de 9 plateformes appartenant à la catégorie des aéroports commerciaux. Huit aérodromes complètent le maillage, dont celui d’Ouessant, qui bénéficie d’une liaison régulière avec l’aéroport de Brest. Enfin, le ministère des armées dispose de trois bases aéronavales, dont celle de Lorient-Lann-Bihoué, qui a la particularité de partager ses installations avec l’aéroport civil. La Région Bretagne est propriétaire des quatre aéroports de Brest, Rennes, Dinard et Quimper.

Maillage actuel : 9 aéroports, 8 aérodromes, 3 bases aéronavales

La situation des aéroports bretons s’inscrit largement dans les grandes tendances structurelles propres à chaque catégorie d’aéroports. A savoir :

  • Un accroissement de la concentration du trafic de passagers sur les grands aéroports parisiens et régionaux.
  • Un fort dynamisme des aéroports régionaux, qui concurrencent fortement les aéroports métropolitains. En Bretagne, Brest et Rennes sont fortement concurrencés par l’aéroport de Nantes.
  • La grande fragilité des aéroports de 4ème catégorie, spécialisés dans l’import ou l’export de passagers, ou assurant une fonction de désenclavement économique (lignes régulières avec les aéroports de Paris ou Lyon).

Ces tendances, déjà à l’œuvre dans les années 2000, se sont renforcées ces dernières années avec l’impact de la crise Covid.

Les aéroports de Brest et Rennes gardent quant à eux des perspectives plus solides, mais voient leur modèle économique fortement remis en cause depuis la fin de la crise sanitaire. En la matière, Brest et Rennes peinent à concurrencer l’aéroport de Nantes, et doivent restaurer rapidement leur compétitivité.

Entre 10.000 et 12.000 tonnes de fret avionné par an

Les aéroports bretons combinent de nombreuses activités au service de leur territoire. C’est le cas des activités de sécurité civile et ses moyens héliportés sur les plateformes de Quimper et Lorient, de la sécurité incendie et le pélicandrome sur Vannes, le fret express aérien sur Rennes, l’industrie de maintenance aéronautique sur Dinard, Morlaix et Saint-Brieuc, la formation aux métiers de l’aéronautique à Morlaix, Dinard et Brest, sans oublier les activités de défense nationale sur Lorient, Rennes, et Vannes.

Les principales activités présentes sur les aéroports bretons

Les aéroports bretons traitent entre 10.000 et 12.000 tonnes de fret avionné chaque année, dont 95% sur la plateforme de Rennes, et 5% sur celle de Brest. L’aéroport de Rennes est le seul à proposer des services réguliers de fret avionné, avec deux grands atouts : sa localisation géographique privilégiée au carrefour des couloirs logistiques du Grand Ouest, et des infrastructures dédiées répondant aux standards internationaux. Elle est intégrée dans le réseau aérien cargo des messagers express internationaux comme UPS et Chronopost, et reliée quotidiennement au hub européen de Cologne/Bonn et à l’aéroport de Marseille.

Sur l’aéroport de Brest, l’activité fret a été délaissée pendant plusieurs années par manque de moyens adaptés. En se dotant récemment des équipements nécessaires, l’aéroport mise désormais sur des trafics de niche comme le transport d’animaux. L’aéroport a notamment affrété de nombreux vols charters transportant des porcs reproducteurs vers la Chine en 2021 et 2022.

La Bretagne n’est pas réputée pour l’importance de sa filière aéronautique et spatiale, notamment parce qu’elle n’accueille pas de grands constructeurs internationaux. Elle dispose toutefois d’un écosystème de 160 entreprises et 11.700 salariés. Cet écosystème regroupe essentiellement des entreprises de sous-traitance des constructeurs aéronautiques pour l’aviation civile, la défense ou le spatial, avec une forte spécialisation sur l’électronique embarquée (sites industriels de Thales DMS d’Etrelles et Brest, Safran à Fougères, Novatech à Pont-de-Buis…). Il regroupe également une activité importante de maintenance aéronautique, implantée sur les aéroports de Dinard, Morlaix et Saint-Brieuc. Le pôle de Dinard accueille un des sites majeurs de Sabena Technics, leader européen de la maintenance des aéronefs civils et militaires, ainsi que le site de Safran LS, spécialisé sur l’entretien des trains d’atterrissage. Au total, ces deux sites accueillent plus de 600 salariés, avec des perspectives de développement importantes.

Des objectifs stratégiques et des leviers d’actions

D’après la stratégie, le secteur aérien breton se doit de relever 4 grands défis :

  • L’adaptation aux mutations économiques du secteur aérien
  • L’amélioration de l’accessibilité aux aéroports et leur intégration territoriale
  • L’articulation avec l’aéroport de Nantes et l’offre TGV
  • La nécessaire transition écologique

La stratégie entend notamment consolider l’ancrage des activités aéro-industrielles présentes sur les aéroports et accueil de nouvelles activités sur les marchés émergents. Cela passe par un renforcement de l’animation de la filière aéro-industrielle régionale, un effort de marketing territorial pour faire valoir ses compétences dans la maintenance et la formation, et d’un soutien prioritaire au développement d’écosystèmes industriels sur les marchés des drones, des applications spatiales, ou des services aéromaritimes (maintenance des parcs éoliens offshore, sauvetage en mer, recherche scientifique sur les océans…). La Région continuera à soutenir le projet de création d’un pôle d’excellence aéronautique sur l’aéroport de Morlaix.

La Région entend aussi accueillir les compagnies les plus vertueuses et se conformer aux réglementations sur l’interdiction de certaines lignes aériennes. Les aéroports doivent stimuler indirectement la décarbonation des aéronefs par la mise en place d’éco-redevances incitatives récompensant les compagnies les plus vertueuses, et à l’inverse, pénalisant financièrement les compagnies peu enclines aux efforts. Ce système de bonus/malus doit être généralisé sur les aéroports bretons, et intégrer des paramètres clés comme l’efficacité énergétique des aéronefs, le taux d’utilisation de carburants durables, ou le taux de remplissage des avions. Ce type de redevance pourrait également être envisagé pour les aéronefs de fret se posant à Rennes et Brest.

Pour la Région, « d’ici à 2050, l’hydrogène va progressivement s’imposer comme un carburant durable particulièrement adapté aux mobilités lourdes, tels que les avions, les bateaux, et les poids-lourds. » Les aéroports peuvent devenir des hubs privilégiés de distribution, voire de production d’hydrogène renouvelable, au bénéfice des avions côté piste, mais aussi des poids-lourds côté ville. La Région Bretagne s’est récemment engagée à assurer dans ses ports, gares et aéroports, l’approvisionnement en hydrogène renouvelable, à travers l’adoption d’une feuille de route de déploiement de l’hydrogène à l’horizon 2030. La Région souhaite donc lancer des réflexions sur l’installation de stations de distribution d’hydrogène renouvelable. L’intégration des aéroports dans les réflexions actuelles pour le déploiement des infrastructures H2 sur les ports bretons sera encouragée, en premier lieu à Brest, en lien avec le projet européen REDII, récemment lancé sur le port de Brest.

La Région accompagnera en parallèle les délégataires pour le déploiement des infrastructures de stockage et de distribution des carburants d’aviation durable. Les investissements à consentir sont potentiellement importants : réseaux et prises électriques, cuves dédiées aux SAF, e-fuels, et hydrogène, engins de pistes spécifiques… Ces infrastructures pourront bénéficier d’un soutien financier régional.

Outre les enjeux de décarbonation, la Région souhaite aussi définir une charte de coopération inter-aéroportuaire à l’échelle des 9 aéroports bretons. Elle doit notamment mettre l’accent sur une identification concertée des vocations conférées à chaque plateforme, et préciser les actions à réaliser sur 3 à 4 thématiques concrètes de coopération. Les actions visant à la mutualisation des moyens techniques et humains, ou de lobbying collectif seront priorisées, puis hiérarchisées selon leur degré de faisabilité.

Cette stratégie devra permettre de favoriser les complémentarités entre les plateformes et coopérer davantage avec Nantes atlantique. Cet accord politique vise à faire converger les intérêts réciproques de chaque propriétaire déléguant des aéroports de Rennes, Nantes, voire Lorient. A cet effet, la Région Bretagne proposera à ses partenaires une mise en cohérence des stratégies de développement des aéroports de Rennes, Nantes et Lorient, avec l’objectif d’optimiser l’usage des trois infrastructures. Cette optimisation se veut triplement bénéfique : elle favoriserait un report d’une partie du trafic nantais sur l’aéroport de Rennes, voire de Lorient, soulagerait la plateforme nantaise.

Vocations et ambitions conférées aux 4 aéroports sous propriété Région

Sous propriété de la Région, les aéroports de Brest, Rennes, Dinard et Quimper sont directement concernés par la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie aéroportuaire régionale.

Les aéroports de Brest et Rennes sont en première ligne pour atteindre et concilier les grands objectifs de la stratégie régionale. En 2040, ils ne devront plus être de simples portes d’entrées aériennes, mais de véritables aéroports « éco-régionaux », mieux intégrés dans les écosystèmes économique et naturel de leur territoire d’influence, dont les activités fret sont « à conforter ».

« La terminologie « éco-régional » symbolise parfaitement l’ambition affichée par la Région pour ces deux aéroports. Le préfixe « éco » donne le cap en matière de responsabilité environnementale, de développement économique, et de connectivité. Le terme régional martèle l’importance de renforcer l’ancrage territorial de l’aéroport ». 

D’ici à 2040, l’aéroport de Dinard sera quant à lui conforté dans sa vocation de principal pôle aéro-industriel de Bretagne. L’attractivité de ce pôle aéro-industriel se verra renforcée par le développement d’un hub énergétique sur site, en capacité de répondre aux besoins en électricité ou en hydrogène vert des entreprises actuelles et futures. Le maintien en conditions opérationnelles de la plateforme qui sera dédiée aux activités de l’aviation d’affaires et de loisirs, aux vols générés par les entreprises industrielles du site et le cas échéant, à des liaisons aériennes saisonnières sous réserve qu’elles soient responsables et économiquement intéressantes pour le territoire.

Enfin, l’avenir de l’aéroport de Quimper passe par un changement profond de son modèle économique et donc de ses principales vocations. Ces dernières restent pour la plupart à définir, en partenariat étroit avec les acteurs socio-économiques et institutionnels du territoire, et en totale cohérence avec les cinq grands objectifs de la stratégie aéroportuaire régionale et leurs déclinaisons opérationnelles.

Pour l’aéroport de Dinard, et surtout pour celui de Quimper, la valorisation du patrimoine foncier et immobilier sera déterminante en vue d’assurer l’équilibre financier des concessions.