Publié le 18 août 2025
Dans le cadre du parcours emplois de BSC, nous avons exploré la mise en place de formations visant à renforcer le management de proximité chez Ouest Boissons, l’un des principaux grossistes en boissons dans l’Ouest. Avec Pascal Gérardin, directeur logistique du groupe, et Fabrice Maratier, responsable logistique en charge de la zone Morbihan, nous avons approfondi cette approche managériale centrée sur l’écoute active, la valorisation des collaborateurs et l’accompagnement quotidien.
BSC : Pouvez-vous présenter Ouest Boissons et les spécificités de l’activité ?
Pascal Gérardin : Ouest Boissons est un grossiste en boissons implanté dans l’Ouest de la France, principalement en Bretagne, Pays de la Loire, et avec une présence plus modeste en Normandie. Notre organisation logistique est étroitement liée à notre cœur de métier : nous sommes grossistes en boissons. Concrètement, cela signifie que nous achetons en grande quantité les produits auprès des fournisseurs qu’il s’agisse de producteurs de softs, d’alcools ou de spiritueux. Ces producteurs maîtrisent très bien la fabrication, mais pas nécessairement la distribution. C’est là que nous intervenons.
Nous stockons ensuite cette marchandise sur trois grandes plateformes logistiques, d’environ 6 000 m² chacune. Ces plateformes centralisent les flux, puis redistribuent les produits vers nos 12 dépôts satellites. Ces dépôts sont positionnés stratégiquement sur le territoire pour assurer les livraisons quotidiennes aux clients CHR (cafés, hôtels, restaurants et discothèques). Cette organisation nous permet de répondre efficacement à la demande, notamment en période de forte saisonnalité. Elle exige une grande agilité logistique, car nous devons à la fois gérer de forts volumes, optimiser les tournées, et garantir un service réactif auprès de nos clients.
BSC : Quels sont vos rôles respectifs au sein de l’entreprise ?
P.G. : Je suis directeur logistique. Mon rôle est d’anticiper et de structurer notre organisation pour répondre aux enjeux logistiques des prochaines années, tout en intégrant des objectifs de performance, de sécurité et de RSE. Cela passe notamment par des audits réguliers et un travail transversal sur nos pratiques.
Fabrice Maratier : Pour ma part, je suis responsable logistique (RL) au sein de la zone « Morbihan ». J’ai la charge de la logistique entre la plateforme d’Auray et les dépôts dits satellites (Belle Île, Lorient, Pontivy et Châteaulin). Je suis rattaché hiérarchiquement à la direction générale et suis manager de trois responsables d’exploitation (REX).
Un nécessaire renforcement du rôle des « managers de proximité »
BSC : Comment est née l’idée de renforcer le management de proximité chez Ouest Boissons ?
P.G. : Le management de proximité existait déjà à mon arrivée, il y a cinq ans. Mais c’est en 2022, au cours d’une saison particulièrement tendue (sécheresse, volumes records), que les limites du modèle sont clairement apparues.
Nos responsables d’exploitation sont d’excellents techniciens, mais lors des périodes difficiles, il est devenu évident qu’ils manquaient de compétences en management et ils se retrouvaient souvent démunis face aux enjeux humains.
Et c’est normal car le management ne s’improvise pas.
Pascal Gérardin, Directeur logistique du groupe
C’est à partir de ce constat que nous avons décidé de les accompagner davantage sur cet aspect, en organisant notamment des bilans de fin de saison sous forme de tables rondes, où chaque responsable échange avec ses équipes (caristes, chauffeurs) pour identifier ce qui fonctionne, ce qui doit être amélioré, et ajuster nos pratiques logistiques et managériales en conséquence.
BSC : Comment cette décision a-t-elle été perçue sur le terrain à ses débuts ?
F.M. : Pour les REX, cette démarche n’a pas été perçue comme une injonction descendante, mais comme une réponse concrète à des difficultés vécues. Beaucoup manquaient de repères pour accompagner un collaborateur en difficulté: gérer un conflit, animer une réunion… Ils ont accueilli favorablement cette montée en compétences.
BSC : Quelles difficultés rencontriez vous avant cette démarche ?
F.M. : Historiquement, chez Ouest Boissons, les effectifs étaient plus modestes. Mais avec la croissance, il ne suffit plus d’être un logisticien efficace : il faut devenir un vrai manager, capable de donner du sens à l’organisation.
Les grandes étapes du projet
BSC : Quelles ont été les grandes étapes du projet ?
P.G. : Nous avons déployé un parcours en plusieurs étapes. La première réunion, organisée au centre de formation avec l’ensemble des responsables d’exploitation de tous les dépôts, avait pour objectif de comprendre leurs ressentis grâce à un diagnostic émotionnel : leurs émotions, leur état d’esprit face à la fatigue et à la charge de travail. Il s’agissait de mettre des mots sur ces ressentis et d’apprendre à mieux se connaître sur le plan émotionnel.
Dans un second temps, la formation s’est concentrée sur leur capacité à reconnaître et comprendre les émotions de leurs équipes. Après ce travail d’introspection, les responsables ont appris à identifier et gérer les émotions de leurs collaborateurs.
Ce travail les a également conduits à explorer la pratique du feedback. La formation au feedback a ensuite permis d’apprendre à structurer ses échanges, formuler des retours constructifs et préparer efficacement ses débriefings.
Des mises en situation, notamment des simulations d’entretiens et des jeux de rôle avec des intervenants extérieurs, ont permis de s’exercer dans un cadre sécurisé, d’identifier ce qui fonctionnait, ce qui devait être amélioré, et ce qu’il fallait conserver.
Enfin, nous avons été accompagnés par notre centre de formation interne, BOOST, qui a organisé des sessions collectives pour développer des outils pratiques et assurer un suivi rapproché.
Pour les outils, étant souvent limités par le temps, il nous fallait un support visuel simple et efficace. Nous avons donc travaillé collectivement à la création d’un tableau managérial aimanté, au format XXL (2 mètres par 2), conçu avec les équipes. Maintenant que le tableau est en place, l’objectif est d’accompagner les responsables d’exploitation pour leur expliquer son fonctionnement, mais aussi comment le présenter aux équipes.
L’enjeu est de faire vivre ce support dans les entrepôts, en instaurant une véritable dynamique de management visuel : tonnage traité, nombre d’accidents, objectifs atteints… C’est un outil de pilotage concret, souhaité par les responsables eux-mêmes, qui renforce la communication terrain et le suivi des indicateurs.
BSC : Quels premiers résultats avez-vous constatés ?
P.G. : Depuis la mise en place du projet, les responsables d’exploitation organisent davantage de réunions. Celles-ci sont souvent courtes, mais régulières, ce qui favorise une meilleure coordination au quotidien.Ils sont également plus à l’aise pour donner du feedback, détecter plus rapidement les tensions au sein des équipes, et faire preuve d’une réelle écoute. La communication s’est visiblement améliorée entre les différents niveaux hiérarchiques : les échanges sont plus fluides, plus directs, et plus constructifs.
Enfin, des outils comme les rapports d’étonnement réalisés deux à trois mois après l’arrivée d’un nouveau collaborateur permettent de recueillir des retours précieux et d’ajuster nos pratiques managériales en conséquence.
BSC : Et côté équipes, avez-vous observé des changements ?
P.G. : Oui. Les équipes prennent davantage de plaisir à échanger, animer des réunions, proposer des idées. Les REX se sentent plus légitimes. Certains rencontrent encore des difficultés, mais savent désormais qu’ils peuvent être aidés.
BSC : Comment vous êtes-vous senti tout au long de ce projet et de cet accompagnement ?
F.M. : Il y a une véritable remise en question à la fois individuelle et collective. Individuelle, parce que j’ai travaillé sur mes propres compétences de manager. Collective, car c’est toute une chaîne hiérarchique qui s’est mise en mouvement pour améliorer l’accompagnement des collaborateurs.
Après la remise en question, il y a eu une période de doutes au moment de mettre en œuvre de nouvelles pratiques managériales. J’y prends plaisir maintenant car je vois les choses évoluer dans le bon sens. J’accompagne mes REX sur la montée en puissance managériale et leur progrès est une belle source de motivation.
Des outils efficaces
BSC : Que pensez-vous des outils déployés ?
P.G. : Les outils (tableaux de bord, réunions structurées, mises en situation) ont clarifié les rôles et fluidifié l’information. Leur efficacité repose cependant sur un suivi rigoureux. Les responsables logistiques et notre formatrice, Margot Villeneuve, veillent à entretenir la dynamique.
F.M. : Les outils mis en place ont été faits sur mesure. Après une formation sur le feedback, nous avons travaillé avec notre centre de formation BOOST sur des outils adaptés aux besoins à la fois de nos REX et des responsables logistiques. Cela va de la conduite de réunion à la formation à l’entretien individuel en passant par la mise en place d’un tableau de management visuel pour aider à conduire les réunions.
BSC : Avez-vous observé une progression individuelle ou collective ?
P.G. : Oui, certains managers ont véritablement intégré ces outils dans leur quotidien. On a actuellement 14 REX, bientôt 15, et chacun est différent. Les niveaux ne sont pas les mêmes : pour certains, c’est déjà fluide, ça marche bien ; pour d’autres, il y a encore du travail à faire. Ça dépend aussi de la taille des équipes à gérer. Selon les dépôts, les effectifs varient beaucoup. Sur des plateformes comme Auray, Rennes ou Lorient, un REX peut avoir jusqu’à 60 collaborateurs en pleine saison. À l’inverse, sur des sites comme Saint-Malo ou Châteaulin, il n’aura qu’une dizaine de personnes à encadrer. Évidemment, ça change complètement la donne.
Des fiertés et des perspectives
BSC : De quoi êtes-vous le plus fier ?
P.G. : D’avoir vu les relations humaines évoluer. Aujourd’hui, manager ne signifie plus seulement gérer l’opérationnel, mais aussi comprendre, écouter, accompagner. Et puis, les réunions sont devenues des moments d’échange sincère, et non une contrainte.
F.M. : Je me sens plus à l’aise dans l’accompagnement de mes collaborateurs, que ce soit dans une situation tendue ou détendue. J’ai plus de recul pour trouver une solution aux problèmes managériaux. Je suis vraiment fier de voir mes REX évoluer dans le bon sens et prendre plaisir à manager
BSC : Quels sont les prochaines étapes ?
P.G. : Nous voulons consolider. Ne pas lancer trop de nouveautés tant que les pratiques actuelles ne sont pas solidement ancrées. Le management de proximité se construit dans la durée. Il demande de l’écoute, de la régularité, et une adaptation à la taille des équipes. L’envie est là, et l’accompagnement se poursuit.