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« A Dock » ou comment l’Etat veut simplifier la relation transporteur-chargeur

Publié le 20 mai 2019

A Dock est un outil en ligne de mise en relation des transporteurs et des chargeurs, conçue par l’Etat. Initiée en Bretagne, elle est aujourd’hui déployée au niveau national. Rencontre avec Alexandre Dupont, responsable du Service Infrastructures Sécurité Transports à la DREAL Bretagne et intrapreneur de la « start-up d’Etat » A Dock.

L’outil en ligne A Dock vise différents objectifs : élargir le panel d’offres de transport aux acteurs économiques, garantir un accès à des données fiabilisées, parce que portées par l’Etat et simplifier les échanges administratifs et commerciaux entre chargeurs et transporteurs.

A Dock prend la forme d’un moteur de recherche donnant accès à un profil de données sur les sociétés inscrites au registre national des transporteurs. Les avantages avancés sont nombreux: pour les transporteurs, une meilleure visibilité et accessibilité de leur offre auprès des chargeurs, et pour ces derniers, un accès élargi à l’offre de transport, la possibilité de contacter un transporteur facilement et de générer certaines formalités administratives.

Rencontre avec Alexandre Dupont, Responsable du Service Infrastructures Sécurité Transports à la DREAL Bretagne et intrapreneur de la « start-up d’Etat » A Dock.

BSC : Quelle est l’idée de départ à l’origine d’A-Dock ?

Alexandre Dupont : Le produit vise à simplifier les relations entre les acteurs du transport routier de marchandises. Nous sommes dans un monde qui se numérise de plus en plus. Dans le monde du transport, nous sommes partis d’un triple constat : nous avons un parc d’entreprises très hétérogène, avec une majorité d’entités de très petite taille mais aussi de grands groupes internationaux ; nous avons une concurrence très forte, que ce soit en national ou à l’international, voire déloyale avec des transports légers qui ne répondent à aucune réglementation européenne ; enfin, le monde du transport de marchandises exploite de manière très hétérogène l’outil informatique.

Ce constat a amené les services de l’Etat à la conclusion qu’un jour ou l’autre, des acteurs du numérique viendront avec une offre de service à destination des transporteurs pour faire ce qu’Uber à fait dans le transport de personnes : s’accaparer l’espace commercial du transport de marchandises avec des services numériques disruptifs.

L’idée directrice de A Dock est la suivante : « nous, Etat, ne pouvons-nous pas faire ce que l’on n’a pas réussi à faire dans le domaine du transport de personnes ? ». C’est-à-dire proposer une offre de service auprès des transporteurs et des chargeurs, pour favoriser leur mise en relation et protéger leurs données pour éviter que les acteurs privés ne les privatisent.

BSC : Comment a évolué cette idée pour devenir aujourd’hui A Dock ?

A.D. : Etant en mode « start-up d’Etat » (ndlr : nouvelle politique d’innovation déployée par l’Etat depuis 2013, permettant à des « Startups d’État » d’être incubées pour développer des produits numériques centrés sur les usagers), l’objectif était de répondre à la demande des usagers. Nous avons donc réuni des transporteurs bretons pour leur présenter notre projet et nous leur avons demandé ce dont ils avaient besoin. Les deux premiers besoins qui ont été exprimés ont été « donnez-nous de la visibilité » et « donnez-nous de la crédibilité ». Nous sommes donc partis sur ces deux sujets.

Pour la question de la visibilité, A Dock est aujourd’hui le premier annuaire des 48.500 entreprises de transport en France. Par un moteur de recherche multicritères, les chargeurs ou les transporteurs qui recherchent un sous-traitant peuvent trouver le transporteur qui, au regard de leurs domaines d’activité, est susceptible de répondre à leurs besoins.

Pour la partie crédibilité, A Dock donne à chaque transporteur accès à un profil dédié. Ce profil est enrichi de données consolidées et vérifiées, soit en possession de l’Etat, soit récupérées d’autres sources officielles. Nous n’intégrons aucune donnée qui ne soit vérifiée sur les profils « transporteurs ».

BSC : Quelles sont les informations fournies dans les profils « transporteurs » ?

A.D. : Dans les profils transporteurs apparaissent les informations liées à l’entreprise, les données administratives (numéro de SIRET et de TVA, raison sociale, géolocalisation…), les informations liées au registre des transports (début d’activité, licences…) ainsi que l’ensemble des établissements liés à l’entreprise.

BSC : Les transporteurs peuvent-ils modifier leur profil ?

A.D. : Les profils « transporteurs » fournis par A Dock regroupent des données consolidées et vérifiées par l’Etat, mais aussi des données issues des transporteurs eux-mêmes. Ils peuvent intégrer à la plateforme différentes informations : leur téléphone, leur adresse mail, leur contact commercial, mais aussi leur zone de travail (département, région…), leurs domaines techniques (frigorifique, palettes…). Une zone est par ailleurs dédiée pour les éléments plus commerciaux (spécialisation…).

BSC : Quid de la sécurité du système pour les transporteurs ?

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A.D. : A Dock s’est enrichi d’un système de sécurisation des profils « transporteurs » labellisé « France Connect » (ndlr : système étatique sécurisé permettant de se connecter à tous les services de l’Etat). Chaque transporteur peut accéder à son profil et modifier un certain nombre de données de sa propre initiative.

BSC : Y a-t-il d’autres informations intégrées au profil des transporteurs ?

A.D. : Nous enrichissons continuellement les profils transporteurs d’un certain nombre d’attestations. La première, à l’initiative des transporteurs, est l’attestation d’emploi ou de non emploi de travailleurs étrangers, indispensable pour toute contractualisation. Aujourd’hui, c’est un document sous format Word signé à la main, qui peut être scanné. Désormais, ils pourront le générer directement sur le site. Le document .pdf généré intègre un QR Code, lié au profil, lui-même sécurisé via France Connect.

Nous souhaitons élargir cette démarche à d’autres attestations. Le profil transporteur de A Dock pourra ainsi devenir le « profil administratif » incontournable pour toute contractualisation. Des développements sont déjà en cours pour intégrer l’attestation URSSAF et l’attestation fiscale et nous avons pris contact avec les assureurs pour que les attestations d’assurance apparaissent sur la plateforme. 

Nous intégrons aussi des informations relatives à certaines démarches et labellisations existantes telles que la signature de la Charte Objectif CO2 ou l’obtention du label associé. Le logo du dispositif apparaît déjà sur le profil transporteur.

Nous étudions également la possibilité de faire apparaître les caractéristiques du parc des transporteurs (nombre de camions, typologie des véhicules…). Cela permettra de rassurer les chargeurs qui se demandent si le transporteur a la flotte adaptée pour réaliser son transport. Les questions de l’énergie des véhicules (diesel, GNV, hydrogène, électrique) et de la classe environnementale (norme Euro) seront aussi intégrées. C’est une demande forte des chargeurs.

Au fur et à mesure, le profil va caractériser le transporteur au mieux pour que le commanditaire puisse avoir la vision la plus exhaustive possible du transporteur.

BSC : Quel est le positionnement de A Dock vis-à-vis des plateformes d’intermédiation qui se sont développées ces dernières années ?

A.D. : Lorsque j’ai présenté l’idée de A Dock au printemps 2017, l’écosystème des plateformes d’intermédiation n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui. Mais le monde évoluant très vite, j’avais perçu le développement de ces plateformes. Aujourd’hui elles commencent à monter en puissance.

Toutes ces plateformes sont des commissionnaires numériques. Elles mettent en relation des transporteurs, qui font part de disponibilités, et des chargeurs, qui font part de besoins de transport. Leur offre de service s’appuie sur la construction du transport à leur place. Leur modèle commercial consiste à prendre une commission entre le transporteur et le chargeur, au contraire d’une bourse de fret, passives dans la construction du transport.

Clairement, nous n’avons rien contre ces plateformes. La seule limite que nous voyons, comme on a pu le voir dans d’autres secteurs économiques, porte sur la recherche d’une situation de monopole ou de domination du marché. Sous couvert d’une première offre de service (qui est réelle et adaptée), ils peuvent devenir incontournables et avoir la maitrise des données des transporteurs et des chargeurs. Ils pourraient ainsi dicter leur loi en matière de gestion des données.

Pour nous, il y a un certain nombre de données qui font partie de l’ADN de l’entreprise et sur lesquels aucun profit ne peut se faire. Nous avons donc souhaité développer un « profil » du transporteur qui ne puisse pas être privatisé par ces plateformes.

In fine, on peut même imaginer que les plateformes utilisent A-Dock pour toutes les données administratives. Ce serait l’aboutissement de notre travail puisque personne ne serait en position de faire commerce des données des transporteurs.

BSC : A Dock ne devait-elle pas au départ faire aussi l’intermédiation ?

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A.D. : L’idée de départ était de faire une mise en relation automatique entre transporteur et chargeur, créneau désormais investi par les plateformes d’intermédiation. En discutant avec les services de l’Etat, nous avons identifié que nous étions sur une approche commerciale. Et ce n’est pas le rôle de l’Etat. Par contre, nous sommes bien dans notre rôle  avec une démarche de « facilitateur » en mettant à disposition, de manière dématérialisé, des documents administratifs, en protégeant les données. Là, nous sommes dans notre rôle.

Si nous devenons un acteur incontournable des données administratives des transporteurs, nous pourrons envisager des partenariats avec des acteurs privés ou semi-privés pour l’utilisation de ces données, mais en respectant notre propre cahier des charges. Nous garderons la maîtrise des données et, en tant qu’acteur public, nous ferons en sorte que leur utilisation soit Conforme au respect des principes de la libre concurrence.

BSC : Quel sera le modèle économique de la plateforme ?

A.D. : Nous ne sommes pas dans des considérations commerciales. Le site aura vocation à être gratuit dans l’utilisation telle qu’elle est définie aujourd’hui. Par contre, il n’est pas exclu que, pour des utilisations massives par des acteurs du numérique, nous construisions un modèle économique, notamment s’il s’agit d’accéder aux coordonnées des entreprises. Par rapport aux acteurs du numérique qui demanderaient à utiliser ces données, nous serions dans l’idée de co-construire des partenariats. Tout acteur du domaine du transport de marchandises pourra y avoir accès mais selon nos conditions d’utilisation.

Dans le cadre du passage à l’échelle de la startup A Dock, nous avons l’ambition de signer un partenariat avec les fédérations de transporteurs qui participeront ainsi à la stratégie d’évolution du produit, à la construction des partenariats et à ses moyens d’existence, notamment financiers.

Ce qui est clair pour nous, c’est que les transporteurs ne paieront rien et, à titre individuel, les chargeurs non plus. Le moteur de recherche et les profils transporteurs resteront libres et gratuits. Le système d’abonnement envisagé ne porterait que sur pour les gros comptes qui voudront utiliser massivement les données.

BSC : Pourquoi avoir débuté cette aventure en Bretagne ?

A.D. : Il fallait un territoire d’expérimentation et étant moi-même basé en Bretagne, nous avons commencé sur le territoire. Nous avons construit un partenariat avec les fédérations de transporteurs (FNTR, TLF, OTRE), en région et aujourd’hui au niveau national. Le territoire breton reste notre territoire privilégié d’expérimentation.

BSC : Où en est A dock en termes de déploiement ?

A.D. : Le travail le plus compliqué concerne le déploiement au niveau des transporteurs. C’est compliqué de les solliciter pour les faire venir sur A Dock et compléter leur profil transporteur. En Bretagne, nous sommes aujourd’hui à 30-35% d’entreprises de transport inscrites en 10 mois de déploiement, ce qui est encourageant. Nous débutons désormais le déploiement national avec l’appui des autres DREAL.

Notre moteur de recherche fonctionnant par spécialités et par zone de chalandise, si le transporteur n’a pas fait la démarche de compléter ces données, il sera malheureusement moins visible. C’est pourquoi nous invitons un maximum de transporteurs à faire cette démarche sur leur profil A Dock.

Intéressés par le projet ? Différents ateliers de présentation et de travail seront organisés courant 2019. N’hésitez pas à contacter les permanents de BSC pour être tenus informés de l’actualité de A Dock.