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M.O. Bernard, Brasserie de Bretagne : « Il faut repenser le modèle globalement »

Publié le 9 août 2021

A l’occasion de son colloque « Nouveau consommateur, nouvelles supply chains » en avril dernier, Bretagne Supply Chain recevait Marc-Olivier BERNARD, président directeur général de Brasserie de Bretagne. L’occasion d’évoquer avec lui l’année si particulière que nous avons traversé et les projets de la brasserie bretonne pour répondre aux attentes du nouveau consommateur.

Marc Olivier Bernard des Brasseries de Bretagne

Bretagne Supply Chain : Pour faire de la bière, il faut de l’orge, du malt transformé. Où allez-vous le chercher ?

Marc-Olivier Bernard : Nous avons toujours essayé de nous sourcer localement. Nous travaillons avec des exploitants agricoles de la région. Par contre, la transformation de l’orge en malt est une opération complexe. Nous n’avions pas d’outils de transformation en Bretagne. Nous allions jusqu’en Belgique ou dans l’Est de la France. L’ensemble des brasseurs bretons procédaient de la même façon, ce qui nous a amené à nous réunir et à nous demander : « pouvons-nous financer conjointement une malterie – un outil de transformation ? » C’est ce que nous avons fait ! Nous avons mis en place une malterie fin 2019 à Scaër dans le sud-Finistère. Nous faisons maintenant transiter une partie de notre orge que l’on transforme sur place et que l’on peut intégrer par la suite dans nos bières.

BSC : Bio ?

M-O.B. : Absolument. Nous avons commencé par le bio, même si le conventionnel représente également une part importante de notre activité. Le bio et le local, cela fait complètement sens ! Et puis, du bio qui a beaucoup voyagé perd de son intérêt. 

BSC : Quel a été l’impact de la crise sur vos activités ?

M-O.B. : Nos ventes se sont beaucoup développées en grande distribution. Malheureusement, nous avons perdu toute l’activité CHR pendant les confinements. C’est 30% de notre activité qui a été à l’arrêt ou en pointillé sur l’année 2020. La grande distribution a compensé la perte d’activité des CHR parce que les gens se sont davantage présentés dans les magasins et ont acheté des quantités de bières importantes.

BSC : Donc vous vous en sortez bien ?

M-O.B. : Nous nous en sortons plutôt bien quand nous nous comparons à d’autres.

BSC : Vous produisez 150 000 bouteilles par jour. Quelle est votre organisation logistique ?

M-O.B. : Nous avons fait le choix de ne pas stocker sur place ces productions parce que notre métier n’est justement pas d’être logisticien. Nous travaillons avec des partenaires très compétents qui font ça pour nous. Nous expédions tous les jours des camions de bouteilles pleines, prêtes à être commercialiser que l’on stocke en particulier sur un entrepôt à proximité de la brasserie.

BSC : Comme on parle beaucoup de RSE, avez-vous un œil sur les camions qui transportent vos bières ?

M-O.B. : L’idée, c’est d’abord de ne faire que des camions complets et l’autre point – pour lequel je milite – est que les camions passent à une autre énergie. On parle beaucoup d’électricité mais aussi de l’hydrogène, qui pour moi semble être une énergie d’avenir pour des transports de grosses charges.

BSC : Vous êtes associé au projet Distro qui travaille à la mise en place de système de réutilisation de contenant pour les producteurs de boisson. Où en êtes-vous ?

M-O.B. : La bouteille en verre est un conditionnement qui se détruit et se régénère en quelque sorte. On pourrait dire qu’il est vertueux sauf que cela consomme beaucoup d’énergie de casser des bouteilles, de les fondre et de refaire des bouteilles. Nous nous sommes dit que l’on pouvait travailler sur un principe de consigne, de réemploi des bouteilles. Pour cela, nous travaillons à petite échelle pour que nos bouteilles puissent être consignées, qu’elles soient lavées par un prestataire extérieur, et ensuite restituées à l’entreprise pour être à nouveau remplies. Le schéma est assez vertueux mais il est un peu compliqué car nous voulons des bouteilles parfaitement propres.

Et cela ne se conçoit forcément pas tout seul. Nous sommes trop petits pour penser cela à notre niveau. Nous nous sommes donc associés à d’autres opérateurs, des brasseurs, des cidriers ou encore un producteur d’eau comme Plancoët qui ont la même problématique. Nous réfléchissons ensemble à la meilleure chaîne possible qui nous permette de récupérer ces bouteilles, de les laver et de les remettre dans le circuit de production. 

BSC : Le circuit des CHR est le premier visé ?

M-O.B. : Nous avons pensé que c’était plus simple effectivement. Les CHR sont déjà livrés par des grossistes qui amènent des bouteilles qui repartent avec des consignes de fut. Nous nous sommes donc appuyés sur ce circuit pour tester. Nous avons ensuite trouvé un prestataire en capacité de laver les bouteilles. Quand nous aurons appris à travailler avec les CHR, nous nous tournerons vers la grande distribution pour mettre en place un système analogue.

BSC : Mais cela veut dire qu’il faut acheter des millions de bouteilles, s’il vous en faut déjà 150 000 par jour ?

M-O.B. : Avec les autres producteurs, nous achèterons les bouteilles ensemble. Nous avons les mêmes bouteilles. Seules les étiquettes et le contenu des bouteilles diffèrent. Finalement, peut -être que l’on achètera moins de bouteilles au global, car elles auront cette capacité à être réemployées au moins 10 fois. Donc nous allons plutôt réduire le parc de bouteilles. Par contre, elles circuleront dans des canaux qui existent déjà puisque les grossistes livrent déjà les points de vente et récupèrent déjà les produits.

BSC : On est un peu en retard en France sur la consigne non ?

M-O.B. : Il y a des produits qui fonctionnent déjà en consigne. Dans les cafés, des produits comme Perrier ont des bouteilles qui sont consignées. Nous, brasseurs en Bretagne, nous avons perdu cette habitude de faire du consigné mais nous y revenons de manière vertueuse.

BSC : Est-ce que le flux hyper tendu à encore de l’avenir dans la supply-chain alimentaire ou est-ce que les enjeux RSE remettront bientôt sérieusement en cause ce paradigme ?

M-O.B. : Quand on parle d’exigence de livraison, la grande distribution nous fixe un objectif de livraison à 98,5% de livraisons conformes aux commandes qu’ils nous passent. Cela veut dire qu’il faut les livrer tous les jours même si nous pourrions envisager de livrer la bière une fois ou deux dans la semaine sur des quantités plus importantes. Nous savons que si nous ne respectons pas ces standards, nous aurons des pénalités financières. Il faut repenser le modèle globalement et je pense que c’est lors de table ronde un peu élargie avec les distributeurs que l’on doit pouvoir faire évoluer les choses.